C'est marrant comme avec le temps, les sentiments tombent leurs masques. C'est étrange comme aujourd'hui j'ai envie de te dire merci, comme j'ai envie de te fredonner la plainte de mon cœur en marbre. Je ne pensais pas que ça pouvait être si facile d'oublier. Oublier ce qui m'a fait tellement trembler, frissonner, presque convulser. Tu es parti, tu n'es jamais venu, jamais. Jamais, je n'ai pu entendre ta voix, sentir ton parfum, te frôler, te sourire timidement, t'ignorer. Et c'est bien ce dernier verbe qui me fait tressaillir, j'aurais tout donner pour t'ignorer, pour faire durer cette seconde où on aurait que trop clairement deviner nos yeux tiraillés par le désir et contrôlés par la peur de se rencontrer, trop grande peur.
Et c'est ainsi que tu ne m'as jamais connue. Une ombre marchant sur une route bordée de panneaux indiquant fièrement 'stop' , ils se multiplient inlassablement, échappant à tout contrôle. A chacun de ses pas, un panneau explose et plus un bruit n'ose résonner, jusqu'au prochain hurlement de la prochaine explosion. C'est ainsi que j'ai marché longtemps. Qu'importe le temps, qu'importe autour, qu'importe la destination finale, qu'importe ces panneaux, qu'importe ma perte, qu'importe ces souffrances inutiles et ces larmes qui ne savent que salir les joues livides, qu'importe le brouillard. Seulement Toi. Toi, et regarde bien les courbures de ce mot, suit les, épies chacun de leurs mouvements, elles ont défini tout mon monde. Elles ont tout empoisonné. Toi. Qui n'existe pas.
J'aime à t'imaginer, à te recréer comme je le souhaite. Deviner tes maux, en faire ma prière sans nom, te sourire pour de faux pour que tu comprennes que j'ai trouvé. Trouvé l'endroit, où je peux piquer, caresser, enlacer, crier, griffer, écraser mes désillusions. Tu es fade, tu n'es pas blanc, mais beige, pas noir, mais marron. Jamais un tout, toujours à demi. Jamais ancré toujours prêt à te sauver. Tu délaisses tout, même cette musique ne résonne plus aussi pleinement. Un vide, tu es un vide, qui s'infiltre lentement et finit par tout envahir. Si tu savais. Toi. Tu es ma défaite la plus clinquante, la plus criante. La première.
Je me retiens, je retiens mon esprit entre des barrières dont je ne connais ni l'origine ni l'interprétation, je retiens mes mains, elles se torturent. Rien n'y fait, vois-tu, je te hais, je t'oublies, je m'efforce de me souvenir, je réussis. La vérité, -ferme les yeux-, c'est que je ne veux pas effacer, je veux pouvoir te cracher mon venin sans en souffrir. J'ai peur de l'indifférence qui s'est fait maîtresse de ma pensée depuis que j'ai abandonné. Qu'on m'a abandonnée. Tu es tellement parfait, là, figé, loin, à portée de main. Tu es mon paradoxe. Piètre paradoxe. Tombe, et meurs, que je te regrette en pleurant et sincèrement pour l'ultime fois. Et si tu me voyais ... -ferme les yeux- .
Tu me manques, salaud. Ça manque à mon cœur de battre comme il le faisait pour mon Ombre de Toi. Tu as fini par me laisser en paix. Maudite Paix. Tu sembles avoir tout emporter dans ta Fuite, tous ces sentiments fébriles qui vivaient si fort en moi, et dont il ne reste même plus une once de souvenir. Tu as aspirée celle qui se recroquevillait en moi, c'était celle ci la précieuse, tu me l'as volée. Sans Elle, je ne suis plus grand chose, il ne me reste que la Haine, qui s'estompera. Le manque n'a plus la même saveur, tu le sais, ce n'est plus ce manque qui bousille l'Âme, je n'ai plus que ce vide animal de la chair. Seulement besoin d'une présence. Rien de plus. Jamais plus cette Histoire ne recommencera. Il n'y avait qu'une seule porte, oui, et tu l'as enfoncée. Derrière ? Autrefois, une pièce vide, qui, par moment se remplissait d'un espoir fou, celui que me donnait l'envie irrésistible de venir te souffler la première lettre de notre Histoire. Aujourd'hui, une pièce condamnée pour meurtre, ris-en, le meurtre de ce 'notre Histoire'.
Ce que tu m'inspires ? Une terrible envie de fumer. Tu me laisses en désordre, à l'envers, plus profondément perdue dans mes propres ruines. Je n'ai pas le temps de me venger, je ne peux plus. Ta porte est déjà ouverte, ton précieux s'est certainement sauvé depuis bien des années. Tu crèves dans ma mémoire, peu à peu tu t'effrites. Voilà ma vengeance. Celle qui me blesse plus qu'elle ne t'atteint. Je me souviendrais seulement ce qui m'a fait vaciller. Seul restera mon Mystère de Toi : Tes Yeux qui se noient dans ton Mal, celui que je n'ai pas su deviner.