Erin Le Coeur en Sable. [E.C]

Je savais pas où la mettre. J'aurais aimé qu'elle ne parle pas de Tokio Hotel. Mais tant pis. Je les déteste de me hanter dans mes histoires.


Chapitre I - La jeunesse nous brisera

Elle a longuement hésité, Erin, piétinant la moquette noire du disquaire de son quartier, un grand vinyle dans la main. Un collector comme on dit. Elle se mordillait la lèvre en repensant à son père les larmes aux yeux, la supplier de ne rien acheter avant le vingt de ce mois. Nous étions le dix-huit. Le dix-huit mars d'une année bissextile. Erin examinait le vieux disque de ses yeux habitués aux emballages anciens. Un des cent cinquante exemplaires de l'album caché des Stones. Un bijou de 1979. Une offre qui ne se représenterait pas. Elle l'avait aperçu de la vitrine dehors, il jubilait, installé parmi les bides d'autres auteurs inconnus des années 80. Erin regarde une dernière fois le prix. Elle n'en croyait pas ses yeux. Jamais un vinyle ne lui coûreait aussi cher, pensa-t-elle en se dirigeant vers la caisse. Elle tendit le disque au vendeur, un garçon d'une petite vingtaine d'années qui ne souriait que les jours d'orage.

" Trois mille cinq cent quatre vingt dix neuf franc et dix centimes."

Elle ne répondit rien, elle ne donna pas sa carte bleue, elle soupira, tout simplement.

" Trois mille..., répéta le garçon.
_ Oui, j'ai entendu. Oh Gustav, j't'en prie, fais moi un prix...
_ Mais je peux pas, je...
_ Alors je l'achète pas.
_ A combien tu le prends ?
_ Trois mille et je boucle l'affaire.
_ Je demande au patron."

Gustav fit le tour de la caisse et partit tranquillement vers la réserve, le sang aux joues, dans l'inébranlable peur du refus. Il poussa distrètement une porte grise et s'engouffra dans l'étroite cave où s'entassaient des cartons de marchandise.

"Hum... M'sieur Tom, j'ai une... Enfin, j'ai un..."

Il regarda son patron, les yeux larmoyants de pitié pour Erin.

"Moui, minauda Tom, l'air désabusé
_ J'ai un petit problème à propos du disque des Stones, le nouveau.
_ Ah oui, celui qui vient de Taïwan ?
_ Oui, celui-là. On me propose de l'acheter pour trois mille euros seulement...
_ Qui ?"

Gustav sembla hésiter. Tom le dévisageait avec la froideur du patron exascerbé.

" Alors ? Enfin, répond-moi.
_ Erin...
_ C'est non."

Gustav ferma les yeux. C'était perdu d'avance. Il repartit en traînant des pieds. Tom le rappela.

" Dis-lui non tant qu'elle m'enverra me faire voir."

Le garçon soupira et retourna auprès d'Erin, secouée de crainte et de sanglots réprimés. Elle rentra chez elle en chantonnant " Quel salaud " sur tout le chemin.

Très original.
J'en veux encore.
=)

Coup de coeur énorme pour le titre *_*

... Je veux.
Ce genre de début ne peut que faire trépigner.
Je veux.
Le concept est super intéressant.
Encore <3

Merci.
Après tout ce temps et ces heures perdues à lire vos Merveilles. Merci.

" Erin déchirera les âmes les plus graves. Erin les saignera à blanc parce qu'elle a la foi et qu'elle sait qu'elle se sauvera un jour. Misère. Le mot résonne. Plus fort qu'un accord de guitare. Plus fort que la détonation du revolver. Plus fort qu' Elle. "

*

**

*



" Dis, Tom, qu'est-ce qu'elle t'a fait cette fille ?"

Tom dévisageait Gustav. Son petit nez retroussé lui donnait un air de bon gars, mais ses yeux noisettes bordés de cernes ramenait Tom à la réalité, "quel fichu monde pourri" songea-t-il. Il considérait Gustav comme un simple employé, rien de plus ni de moins qu'un garçon ordinaire, un petit vendeur de la Hauptplatz d'Hambourg, comme il en grouillait dans toutes les villes. Pourtant, quelque chose l'attendrissait, comme une caresse dans son regard et il sentait une amitié se décupler entre eux.

" T'as déjà connu la passion, toi ?, demanda Tom.
_ Oui. Ma passion à moi, c'est la musique."

Tom sourit. Décidément, sa naïveté l'emporterait un jour.

"Non Gustav, j'te parle d'amour.
_ Ah non. Pourquoi, c'était le cas avec Erin ?
_ Non. Pas vraiment.
_ Comment ça pas vraiment ?
_ Laisse tomber, retourne bosser."

Gustav haussa les épaules et partit doucement vers le rayon années 60 au fond du magasin.

*

De son côté, Erin rentrait chez elle. A peine eut-elle franchi la porte que son père lui cria de la rejoindre dans la cuisine. Elle posa son petit sac et marcha vers la cuisine.

"Assied-toi, lui dit son père. Il faut qu'on discute. Sérieusement, rajouta-t-il en la voyant sourire."

Elle croisa les jambes et écouta son père, comme chaque fois qu'elle rentrait le soir, avant six heure, parce qu'après, il perdait la parole, la bouche bée par le whisky. De nouveau, il conclut en la suppliant de ne rien acheter avant deux jours, même si une fièvre de consommation l'emportait, il fallait qu'elle ravale sa fierté. Elle acquiesça, distraite et partit dans sa chambre où trois grandes étagères remplies de vinyles craquaient. Elle brancha le tourne-disque et, étendue sur son lit, elle se laissa emporter sous la douceur de la voix de Bob.

*
**
*

Tom

Erin ? Oh, Erin... On ne pouvait pas la rater, avec ses longs cheveux bruns et son coeur qui semblait battre à toute allure, et puis, Erin, elle avait les yeux de la mer, ceux qui savent voir plus loin que l'horizon, ceux qui nous emportent loin des larmes, ceux qui nous emmènent outre-océan, au delà de nos rêves les plus fous. Erin n'est pas belle, elle est irréelle.
Erin est une grande passionnée, comme Gustav, la musique compte pour elle plus que tout au monde. J'en ai fait la triste expérience...

" C'était un matin d'automne..., commençai-je et Gustav me regarda alors de ses grands yeux étonnés. Il pleuvait. Nous étions le 15 octobre et Erin fêtait ses dix-huit printemps. Pour l'occasion, son père l'avait amenée dans notre magasin, à l'époque nous étions deux. Je veux dire, mon frère et moi étions tous deux gérants. Alors oui, elle était venue et son père lui avait proposé d'acheter le vinyle qui lui plairait. Elle a choisit celui de Janis Joplin, Live in Woodstock de 1969, je m'en souviens comme si c'était demain. Elle portait une robe emeraude sous un châle blanc, elle avait l'air d'une sylphide, je l'ai tout de suite aimée. Je n'étais pas le seul et je voyais dans les yeux de mon frère une flamme qui brillait, plus étincelante que le plus beau des diamants. Je me souviens avoir hésité avant de lui proposer mon aide. Et finalement, le soir, elle avait mangé avec nous, dans notre petit studio, aménagé sans grands effets, avec la simplicité de notre jeunesse. Elle n'est pas rentrée chez elle, elle ne m'a pourtant pas effleuré, pas même le bout des doigts. Non, mon frère l'avait eue. Je ne lui ai toujours pas pardonné."

Gustav écoute, attentionné, mais déjà le tintement de la sonnerie s'élève, plus rien ne nous sauvera.

*

... QUe dire, que dire... ?
Han, donne-m'en encore, je sens que je vais l'aimer à en pleurer cette histoire...

J'en veux encore.
J'aime quand Tu fais parler ton Tom.
Magicienne (L)

Bon sang, rien que de savoir que je ne suis plus seule face à mes mots, ça me rend plus forte et... Je vous remercie d'être ici et pas là-bas. Je vous aime.

*
**
*
A la porte, se tenait un grand gaillard, des épaules carrées et comme un air de gentillesse gravée sur le visage. Gustav l'avait laissé traîner dans le rayon valses et était parti s'occuper d'une femme qui approchait de la quarantaine. Le garçon l'appela, "s'il vous plaît, j'aurais besoin d'un conseil." Gustav accourut.

" Que recherchez-vous ?
_ L'amour."

Gustav sourit.

" Vous n'êtes pas dans le bon rayon.
_ Ah ?
_ Non. Les femmes ont changé, vous savez. Elles n'aiment plus vraiment les valses.
_ J'aurais dû m'en douter. Mais, celle que je veux, est, enfin...un peu... Spéciale dirons nous.
_ Spéciales comment ? La soixantaine ?"

Le garçon laisser éclater un gros rire franc.

" Non, non. C'est une grande fan de musique, de vieille musique, je sais qu'elle vient souvent ici, elle s'appelle Erin. "

Gustav resta figé de stupeur et d'effroi. Un filet de sueur naissait dans son dos et, soudain, il se mit à bafouiller :

" Erin... Je... Non... Je ne vois pas... Enfin, si, mais non, ah non, je ne vois pas..."

Le garçon haussa un sourcil, interloqué.

" Bon, je crois que je vais demander à quelqu'un d'autre."

Le garçon s'éloigna de quelques pas, mais une voix le fit revenir.

" Bonjour Georg, ça fait longtemps, hein ?"

Georg fit volte face, le visage en sang.

" Tom, bon sang, tu m'as fait peur !"

Il courut vers lui et lui tapa dans l'épaule.

" Comment tu vas ?
_ Bien, bien.
_ Qu'est-ce que tu fais dans le coin ?
_ Ben tu vois, je viens voir mon petit monde. En parlant de ça..."

Il enserra l'épaule de Tom et le traîna dans la réserve.

" J'ai vu ton frère Tom.
_ Ah ?
_ Ouais, il est pas en forme, tu sais.
_ Ben non je sais pas, je ne le vois plus jamais.
_ Tu ne le croises jamais dans la Neuergröningerstrasse ?
_ Non, je devrais ?
_ Tom je sais pas si tu le sais, mais, Bill mendie."

Tom regardait Georg, les yeux vides, embués de grosses larmes. Son monde s'écroulait chaque jour un peu plus. Bill était le seul rescapé et lui aussi s'effondrait.

" Tom ? Bon, écoute je dois te laisser, j'ai rendez-vous avec Erin ce soir. Je crois que je vais la demander en mariage."

Georg lui redonna une tape sur l'épaule et repartit à grandes enjambées.

Tom avait la gorge sèche. Tom ne voulait plus que d'une corde.

" Gustav. Ferme la boutique. Je m'en vais."

Je vais te dire, je rentre d'une journée...comment dire...merdique.
Et de voir que tu as posé des mots m'a déjà fait sourire comme jamais, mais après lecture c'est encore mieux.
Cette Erin partout, toujours, entre chaque mot et chaque question. Elle doit être magique, comme Toi.
J'aime ton Tom, grand Dieu, c'est énorme.
Je veux dire merci de nous embarquer là-dedans.
(L)

Bon sang, si y a un peu moins de gris dans ce monde grace à ces putains de mots, j'm'en plaindrais pas. Merci <3

*
**
*
Toc, toc, toc.

Trois petits coups succins, étrangers, trois petits coups armés d'allégresse et de joie, trois petits coups d'amour.Erin se lève sans bruit de sa chaise, elle ne doit pas réveiller son père, qui se prélasse sur le divan défoncé, ronflant de tout son soûl. Elle ouvre la porte doucement, comme pour préserver ce mystère de bonheur, comme on ouvre la porte pour faire le mur, et atteindre cette liberté qui nous enivre, comme pour partir vivre et revenir morte. Erin se retrouve alors face à un énorme bouquet de roses d'un blanc pur.

_ Bonjour Erin. Je ne savais pas quelle était ta couleur préférée.

Erin lève les yeux et entrevoit Georg, immense derrière les fleurs délavées.

_ Prune.
_ Pardon ?
_ Ma couleur préférée, c'est le prune.

Georg ravale un sourire aigri et lui tend le bouquet dans un geste maladroit.

_ Tiens.
_ Entre, je t'en prie.
_ Non non, je reste ici.
_ Ah.

Erin entre et dépose le bouquet sur la table de la cuisine. Elle rentre dans le salon, pour y chercher un vase. Dans le plus dramatique des silences, Erin se faufile et attrape un vieux vase ébréché. Elle se retourne sans bruit et s'apprête à partir sur la pointe des pieds mais un sourire la retient, un sourire qui a laissé des traces, un sourire aussi vif que la chaux, un sourire d'or et d'argent, un sourire sans fin ni fond. Erin lâche le vase sur le vieux linoléum ramolli, sa main sur sa bouche grande ouverte. Le vase explose et des multitudes de petits bouts de verres sautent, Erin, pieds nus, s'élance alors vers ce sourire, des éclats de verre plantés dans sa chair, perçant sa peau de marbre. Son père s'éveille dans un brusque hoquet, les yeux vaguement furieux, il se redresse sur les avants bras.

_ Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Erin rit, des sillons de larmes saillent ses joues, une rivière de sang à ses pieds. Mais elle rit, aux éclats et aux larmes, nichée dans les bras de ce sourire, tremblant d'une frénésie sans autre peine que celle du souvenir.

_ C'est Bill, papa, c'est Bill !

Là, je vais te dire, c'est énorme ce que tu fais. Nicher du sang dans cette scène. C'est affreusement perturbant, comme un mauvais présage. Elle est heureuse, ouais, mais, il y a ce sang à ses pieds.
C'est purement et simplement magique.
Attends une suite.
(L)

Bouh. Merci. Du fond du coeur <3.

*
**
*

Tremblante, Erin pleurait et tout son corps ne demandait qu'à être serré dans les bras souples de Bill. Le matelas creusé lui écorchait le dos. La tête posée sur les côtes de Bill, elle sentait son coeur battre paisiblement, tandis que le sien, érinté, tambourinait dans sa poitrine. Erin pleurait et ses larmes tombaient comme une pluie sur le torse maigre de Bill, ce torse dont elle sentait poindre le moindre os, ce torse où les cicatrices se chevauchaient comme les vagues de l'Atlantique, les soirs d'orage. Erin, secouée de frissons violents, nauséeuse, se retourna sur le flanc, et, de sa main droite, elle attrapa la bouteille de vodka. Vide. Elle se mit à chercher son paquet de cigarettes. Bill ouvrit alors un oeil, puis l'autre, baigné d'une lumière blaffarde. Il bailla et sa satisfaction se lisait sur son visage angélique.

" Bonjour, petite Erin."

Elle ne répondit rien, trop occupée à allumer sa Lucky Stike.

" Erin, jolie Erin, dis bonjour au soleil quand il se lève."

Son orgueil enfantin avait le don de l'énerver. Elle lui lança un regard noir sous sa frange trop longue.

" J'ai mal à la tête. La vodka."

Bill hocha la tête.

" Erin, petite Erin, embrasse le soleil quand il daigne t'offrir sa journée."

Elle cligna des yeux et embrassa Bill fiévreusement. Son regard restait si noir...

" Erin..."

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, Erin l'avait gifflé.

" J'y vais.
_ Où ?
_ Là où la pluie me portera.
_ T'aimes pas suivre le soleil ?
_ Pas quand il est shooté à la coke, non."

Et elle se leva, laissant dans son sillon son odeur de prune. Bill se rallongea. Il ferma ses yeux. La fatigue le rendait fou.

Ton Bill (L) Ta description de Bill. Et Erin qui d'un seul coup nous paraît tellement plus...brisée.
Là, j'veux une suite pour comprendre.