Les méandres de ton coeur.
« Zelbra… »
Il se tenait légèrement cambré en arrière, en une pose chevaleresque qui d’habitude aurait enchantée Zelbra. Mais pas aujourd’hui. La jeune femme en avait assez.
« Zelbra, je…
- Arrête, Yuhi. Ca suffit, maintenant.
- Mais enfin Zel…
- Ferma là !
- Zelbra !
-
Je t’ai dis de te la fermer ! » hurla t-elle.
Les verres, sur l’étagère beige à côté d’elle, s’entrechoquèrent en une série de tintements assourdissants. Plusieurs d’entre eux se brisèrent, et basculèrent sur Zelbra. Debout au beau milieu des éclats verres pourpres, des dizaines d’écorchures marbrant à présent sa peau nacrée, elle ne bougea pas, se contenta de l’observer d’un air chargé de reproches, de détermination et d’une lueur diabolique disposée quelque part entre colère et haine absolue. Indécis, blessé eau plus profond de lui-même et perdu, il tendit la main vers elle, en la suppliant :
« Zelbra… »
Elle la repoussa violemment, en même temps que le cri du cœur de Yuhi. Zelbra l’implacable…
« Dégage.
- Zelbra…
- Arrête de m’appeler comme ça, merde ! Mon nom est Kelia !
Kelia ! »
Il tomba à genoux sur le sol, plus pitoyable et misérable que jamais.
« Mais enfin, je…
-
Dégage, bon sang ! Tu en as assez fait comme ça ! C’est finit entre nous, bordel, t’es pas capable de comprendre au moins ça ?! FINIT ! - Non ! »
Il s’effondra.
« Zelbra… tu n’peux pas…
- Ta gueule ! Va t-en, Yuhi ! Va t’en où… où je te tus ! »
Elle sortit de la poche arrière de sa salopette un pistolet. Ce même pistolet qui attendait depuis des années qu’elle s’en serve. Elle n’hésiterait plus, désormais.
« Zelbra ! Ecoute moi…
- Non !
- On peut tout recommencer ! On…
- C’est trop tard, Yuhi. Beaucoup trop tard. »
Sa voix était froide, fataliste et tranchante. Quant à son visage glacial, il reflétait l’impassibilité meurtrière qui l’habitait. Yuhi sentait des larmes chaudes se précipiter sur ses joues puis perler sur le sol. Il distinguait de manière trouble l’arme pointée vers lui. Mais il ne se tairait pas. Il ne voulait pas que cela se termine ainsi. C’était tout bonnement
impossible.
« Zelbra…
- Un mot de plus et tu es un homme mort, Yuhi. »
Il leva les yeux vers elle.
« Je t’aime, Zelbra… »
Elle tira. Les vitres explosèrent sous la violence du choc et la détonation se répercuta dans l’immeuble tout entier. Yuhi porta la main à son cœur, pulvérisé, puis s’étala mollement par terre. Le sang commençait déjà à imbiber la moquette grise.
Zelbra contempla l’arme qu’elle tenait à la main d’un air ahuri, puis le lâcha vivement, épouvanté. Le pistolet atterri près du corps de Yuhi, vers lequel elle se précipita.
Retour à la réalité, Zelbra. Nous ne sommes plus dans les méandres de ton cœur, et tu viens de le tuer.« Yuhi… Yuhi… non, Yuhi… pas toi… non… »
Elle éclata en sanglots en serrant le cadavre de celui qu’elle avait toujours aimée contre elle.
« Nooooooooooooooooooooooooooooooooon ! Tu ne pouvais p… p… paaas… tu n’pouvais pas m’obliger à faire ç… ç… çaaaaaaaa…. Yuhiiiiiiiiiii….. Noooon… Yu… hi… »
Secouée par une violente crise de larmes, elle attrapa tant bien que mal le pistolet dans sa main droite, souillée du sang de Yuhi. L’arme glissa deux fois, mais lorsqu’elle l’eut bien en main, elle l’approcha de sa poitrine. Elle était agitée de soubresauts de désespoir.
« Je t’aime, Yuhi… »
Pour la seconde fois, elle tira. Ses yeux se révulsèrent et un ultime râle haché jaillit hors de sa bouche en même temps que le liquide vermeille qui fuyait maintenant son corps. Elle tomba sur Yuhi.
Yuhi et Zelbra, deux cadavres gisants dans leur propre sang.
C’était la fin d’une histoire d’amour. Tout simplement. Peut être qu’ils avaient rendus l’âme à force de trop donner leur cœur…