Blessure n°13, Wind of change _ Scorpion
« Quand elle s'est réveillée elle ne savait pas où elle était. Elle croyait qu'on l'avait envoyée en cure de désintox parce que ça fait quand même trois ans qu'elle est défoncée tous les soirs. Elle a vu tous ces tubes dans ces bras, tout ce blanc devant ses yeux et ces Biiiip si réguliers qu'elle a d'abord cru qu'elle était déjà au paradis. C'est idiot s'est-elle dit, je peux pas être au paradis, le paradis il n'est pas tout blanc. Dehors il faisait nuit, pas nuit noire, mais nuit, ça suffit, il était six heures du matin et elle ne savait pas si ça faisait trois heures ou trois ans qu'elle croupissait dans ce lit. Elle l'a vu à son auriculaire gauche où il manquait un peu de vernis. Ca va tout allait bien, c'était déjà là hier paraît-il. Mais là elle s'est mise à paniquer, qu'est-ce qu'elle foutait là ? Et pourquoi ? Qu'est-ce qu'il s'était encore passé hier ? Alors elle a voulu appeler Bill mais là le trou noir, néant, rien, vide, elle ne se souvenait plus de rien. Même pas de son propre numéro de portable. »
« Alors, qu'est-ce qu'elle a fait ? »
« Elle s'est rendormie. »
« Elle s'est rendormie ? »
« Ouais. Elle s'est réveillée cinq minutes plus tard et là elle a eu un éclair de lucidité et d'un coup le numéro de chez elle lui est revenu en mémoire. Seulement elle avait plus assez de force pour tendre le bras jusqu'au téléphone alors elle a arraché les fils de la perf de son bras et avec son sang elle a écrit le numéro sur les draps, au cas où. Mais le sang bavait de partout, le drap le buvait le sang alors elle a abandonné. Et là la porte s'est ouverte et une jeune fille sur un brancard est entrée en pleurant, hystérique, défoncée. Alors là elle s'est dit que non, elle pouvait vraiment pas rester ici. »
« Alors qu'est-ce qu'elle a fait ? »
« Elle arraché les tubes de ses bras, maintenant ça lui fait de gros hématomes, elle a enlevé ce pyjama trop grand qui puait les produits anesthésiants et elle est partie dans la rue, dans la nuit, en courant. Elle était complètement nue, elle portait juste sa culotte, son corps était recouvert de ces pastilles blanches qu'on te colle partout à l'hôpital et elle courrait en pleurant et en se cachant les seins. Perdue, désorientée, déprimée, elle s'est assise sur un muret et s'est mise à pleurer en enfouissant son visage dans ses mains où le sang traçait des petits sentiers sinueux, rocailleux, destructeurs. Là une femme l'a trouvée, elle a voulu l'emmener à l'hôpital mais elle elle hurlait, elle hurlait à la mort qu'elle ne voulait pas retourner là-bas, qu'elle ne voulait pas de cette cure de désintox qui en réalité n'en n'était pas une, qu'elle ne voulait pas retourner là-bas, c'est tout ce qui sortait de sa bouche entre ses sanglots. »
« Qu'est-ce qu'elle a fait la dame alors ? »
« Elle a appelé Bill qui est venu la chercher et finalement elle est retourné à l'hôpital. Urgences psychiatriques. »
« Merde alors. »
« Ouais comme tu dis. Mais le pire c'est que pendant toute cette nuit elle ne s'était pas arrêté de crier. Elle hurlait, souffrance, souffrance, souffrance, souffrance ! »
« ... »
« SOUFFRANCE BORDEL !!!! »
Pim’s et Tom s’échangent des regards contre quelques blessures. Ils vouaient des vacances mais ils ont trouvé des tourments. Ils se sont perdus dans les veines explosées de Flash, dans le cœur de Bill qui n’en peut plus de battre pour deux, de vivre pour deux, de souffrir pour deux. Tom regarde ailleurs, il perd son temps à vouloir sauver les choses, il n’avait jamais essayé avant, alors il se roule son joint en attendant que les flics viennent le chercher. Il s’épluche le cœur comme on s’épluche des oranges et se moque de lui quand il a envie de se jeter du haut d’un pont, défoncé.
Peut-être que j'y ais cru.
Je sais plus. Tu y crois toi,
À tout ce qu'on te raconte ?
Mais Flash, c’était elle qui était au portes de la mort, elle qui ne demandait rien et qui avait besoin de tout, jamais dans un monde pareil on aurait pu imaginer qu’une fille aussi perdue puisse résister aussi longtemps. Jamais on aurait pu imaginer ça si elle n’avait pas rencontré Bill, cet homme qui l’aime, qui souffre, qui la sauve et qui souffre, encore.