Salut les cocos.
C'est une histoire faite avec Camille, en cours.
L'idée nous est venue à deux heures du matin, assises par terre, près d'un parc, à côté de chez elle.
Enjoy.
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« Dessine-moi ! Dessine-moi ! »
« Un mouton ? »
« Non ! »
« ... ? »
« Un dragon ! »
Waloo écrase sa casquette sur sa tête blonde, y a un champ de blé dans l'univers la terre tourne à l'envers merde alors un dragon allume des bougies pour son cent dix septième anniversaire y a sa mère qu'appelle ça des étoiles mais vous avez oublié ? La terre tourne à l'envers. Ses yeux couleur cassis, avec une olive dans le cocktail, pas de cerise c'est n'importe quoi, il ne fume pas encore de joint et roule ses mots dans du papier à bulle. Donc, ses yeux couleurs cassis rappellent les marécages de la Wallonie et Vlaam par terre. L'observe.
« Un dragon ? »
« Bah ouais. Comme en Wallonie. »
« Comment tu l'sais ? »
« J'm'appelle pas Waloo pour rien. »
« Vlaam. »
« Tu t'es fait mal ? »
« J'ai toujours mal. J'm'appelle pas Vlaam pour rien. »
« Tu dessines ? »
« Toujours. »
« Tu dessines quoi ? »
« Rien. »
Et Vlaam s'imagina. Grand comme la distance Wallonie – Pyrénées, le museau vorace, la serre retord, le pelage tel les plages orangées de Belgique centrale, un dragon. Un dragon. Immense. Qui vole à l’endroit de la Terre qui tourne à l’envers, encore plus vite que la lumière. Quand il rit, il sort des bulles par le nez, parce que c’est sa manière bien à lui de montrer à quel point il est heureux. Le dragon, pas Vlaam. Ses pattes ressemblent à de grosses paluches qui te tapent sur l’épaule et te disent Hey mon p’tit gars, on va boire un verre ? Waloo sourit. Je ne bois jamais moi. De sa barbe lui tombent des pâtes pleines de bolognaise à modeler et lui esquissent un sourire comestible. Vlaam prend toutes ses craies de couleurs Bleu Jaune Rouge Cyan Mauve Arc En Ciel et commence à tracer quelques traits maladroits et malhabiles afin de créer la silhouette de son personnage. Ca ressemble tout d’abord à la carte routière d’une région wallonne, mais on peut rapidement voir l’ombre d’une grosse paluche qui dit Hey mon p’tit gars, on va boire un verre ? La couleur raisin vert - comme dans les cocktails, pas d’olives, c’est n’importe quoi - d’un œil malicieux qui sourit derrière deux bulles de chewing gum que Waloo explose avec malice avec son papier à bulle remplit de mots. Waloo est chewing gumé l’œil n’est pas un œil, puisque Vlaam n’est pas Vlaam, mais non, Vlaam s’envole craies à la main et l’olive coincée dans la gorge, peut-être qu’il s’étouffe mais en tout cas il s’emmitoufle – mais non pas dans son cafard, puisque Cendrillon s’envole sur le dragon – il s’emmitoufle dans un monde bizarre perdu dans la bizarrerie de l’œil de Waloo, l’olive se décoince, son imagination aussi.
« J’ai trouvé. »
« Quoi ? »
« Le dragon. »
« J’ai vu, tu as même commencé à le dessiner. »
« Non. »
« Quoi non ? »
« C’est juste sa silhouette, une ombre, tu sais ce genre de choses tellement trompeuses, tu penses que tu peux en faire ta vie, et Vlaam … »
« Par terre. »
« Mais non Waloo, Vlaam est né. »
« Quel rapport avec le dragon ? »
« Aucun, de quoi on parlait ? »
« L’esquisse. »
« Ah oui … J’ai commencé son souffle, il faut toujours commencer par la vie de quelque chose avant de le dessiner, sinon le raisin sera olive, la grosse paluche sera déjà bourrée, la Terre tournera à l’endroit, tout sera à l’envers. Il faut toujours commencer par la vie de quelque chose avant de le dessiner, tu vois c’est la chose fragile qui tremble quand tu la regardes, celle qui se brise si tes yeux ne se posent pas dessus, celle qui va même te donner vie à toi, à tout ce qui est magiquement endormi en toi, tout ce qui ne sort pas quand tu cherches à devenir fou. »
« Je ne cherche jamais à devenir fou. »
« Bon, tu le veux ton dragon ou pas ? »
« Oui. »
« Alors tais-toi. Enfin non, parle, mais s’il te plait, parle dans ta tête. Ca m’aidera. »
« A quoi ? »
« Qu’est-ce-que j’ai dit ? »
« De parler dans ma tête. »
« Et pourquoi ? »
« Pour faire naître la chose, celle qui se brise quand toi tu nais. »
« Voila, enfin ca c’était les yeux, mais bon, tant pis. Maintenant tu comprends pourquoi et Vlaam est né. »
« Non. »
« Parle dans ta tête. »
Et là dans la tête de Waloo il n’y a plus l’olive, le raisin, la mandarine peu importe, et là dans la tête de Waloo, il y a juste cette chose qui se brise quand on est loin d’elle, quand on nait loin d’elle, cette chose qui respire quand on la regarde de loin, et qu’on essaie de devenir elle. La silhouette du dragon. Vlaam n’a toujours pas commencé à dessiner.