Charlatan Misery [OS]

Il y a dans le lit d'Alex Turner, une femme qu'il n'aime pas. Qu'il ne regarde même pas. Elle décore ses draps et embrasse sa peau un jour sur deux. Il y a dans la vie d'Alex Turner, une femme qu'il ne connait pas, qui le suit comme son ombre, une femme épuisante à qui il ne parle même plus, à qui il n'accorde plus un seul regard. Il y a dans le sous-sol d'Alex Turner des tonnes de bouteilles de vin. Chaque soir, il en débouche une, il la remonte dans son salon, la pose sur une petite table en bois laqué, attrape deux verres de cristal d'une main, et attend d'entendre la voix pleurnicahrde d'Alexa l'appeler. Il avale alors les marches de l'escalier, pieds nus, décoiffé, en sueur. Il s'asseoit au bord du lit, tend un verre à Alexa en soupirant et lui sert une rasade de bordeaux. Il l'observe boire du coin de l'oeil et prie pour que ce soir, elle ne lui demande rien. Il boit un verre à son tour, puis un deuxième, et un troisième. La tête ne lui tourne jamais. Alexa, assoupie et gazouillant comme une enfant de cinq ans, lève vers lui un regard suppliant. Alex toussotte et se lève.

- J'vais fumer.
- Attends-moi.

Accoudé à la rembarde, les yeux terriblement cernés, Alex tenait une cigarette entre ses doigts fins. Et il l'entendait piétiner devant la baie vitrée, hésitante.

- Mais viens, putain. J'vais pas t'bouffer.

Et Alexa s'approchait, tremblante, son peignoir en satin glissait sur ses épaules frêles.

- T'as l'air fatigué.
- Mmh.
- Tu m'passes ta cigarette ?

Alex lui donna sa Lucky Strike. Sa voix résonnait dans sa tête. Le vent souffla un peu plus fort. Bourrasque. Les cheveux d'Alexa vinrent fouetter son visage. Une douce odeur de mort, lancinante, comme de l'éther. Extase. Les paupières clauses, Alex voulait que le temps s'arrête, qu'Alexa se taise au lieu de rire bêtement, que le vent souffle encore et que le parfum se répande une fois de plus. Mais Alexa attrapa sa main et il rouvrit ses yeux brusquement.

- Je rentre.

Elle hocha la tête et lança le mégot par terre.

- Attends-moi.

Alex haussa les épaules et se laissa tomber sur son lit.

- Pourquoi tu m'attends jamais ?

Alex ferma les yeux. " Tais-toi, tais-toi..."

- Hein ? Mais réponds. Tu m'énerves.

Alexa s'allongea alors et posa sa tête sur le torse d'Alex. " Disparais, bon dieu, disparais..." Elle se mit à fredonner l'air de My Mistakes Were Made for You. Alex la repoussa et se retourna sur le flanc. Elle éclata de rire.

- Je sais que je chante mal, mais quand même...
- Arrête. Je veux juste dormir.
- Je t'aime.

Alex ne dormit pas. Tourmenté, nerveux, épuisé. A troix heures quatorze, il se leva et se servit un verre de lait. Il enfila une veste et une paire de chaussure, il sortit et se fit une promesse. " Si avant huit heures ce matin il n'a pas plu, je me jette du haut de ma terrasse." Il erra le reste de la nuit, écumant les bars encore ouvert, les boîtes, les cabarets. Il ne plut pas. Alexa se réveilla et trouva Alex dans la cuisine. Il était dix heures. Elle vit une lettre bien pliée, sous son bol jaune. Son préféré. Elle la lut et se mit à sanglotter.

- Comment...
- C'était ça ou me jeter par la fenêtre.

Alexa courut dans la chambre et ramassa ses quelques affaires. Sans l'ombre d'un bruit elle quitta l'appartement à onze heure douze. Alex s'était assoupi dans le canapé. Sur son bras gauche,

Sur son bras droit,


Alexa avait écrit au marqueur noir. Le lendemain, Alex se le fit tatoué. Pour toujours. A jamais.

Je le hais, je le hais, je le hais, je le hais.

Ce texte me fout des frissons, Je.
Ouais, je le hais.
Ce mec.