OS-In Paradisium

J'ai froid.

Mes mains commencent à s'engourdir, des frissons me parcourent le corps à intervalles irréguliers. Je respire lentement et le moins bruyamment possible. Dans ma tête tout est en ébullition. Le goût du rien envahit ma bouche. Je me sens vidée, comme effacée.

Mon violon se tient immobile sur mes cuisses crispées, le rassurant contact de sa volute frôlant mon cou m'empêche de sombrer dans cet Ailleurs. Ma main droite est occupée par l'archet. L'autre fait des va et vient sur les cordes en acier.

Il y a un trou dans le bois du sol usé. Je le fixe. Je ne veux plus lever la tête. Ma bouche ouverte se ferme sur la première note de l'orgue qui me fait trembler tout le corps. Je ne sais plus quoi regarder. Ma salive a ce goût âpre des jours perdus, une envie de vomir vient lentement s'installer dans ma gorge.

Une voix résonne dans mes oreilles, proche. Je lève la tête et laisse glisser mon regard vers une autre personne que mon interlocuteur, un homme, en chemise verte. Il vient de s'asseoir au premier rang, la main sur le front. Je vois une immense vague de sentiments s'échapper par sa bouche entrouverte. Une jeune fille en t-shirt noir vient le rejoindre, sa peau est très blanche, une grimace de tristesse et de désolation lui tord le visage, dans sa main, celle d'une autre femme plus petite. Je prends une inspiration et me concentre sur ce trou.

Il n'y a pas de Vent.

L'orgue gronde et hurle toujours. L'air machiavélique.

Une ruée d'hommes en noir apportent des bouquets de fleurs multicolores. J'ai peur. Une angoisse inconnue voile mon esprit.

Quand. Quand. Quand. Quand.

A chaque apparition d'hommes, je crois y être enfin. Je me sens défaillir avant de reprendre mon état de transe.

Quand. Quand. Quand. Quand.

J'ai froid.
Je lève la tête, le vide me tombe dessus et m'écrase entièrement.

Je passe ma langue sur mes lèvres sèches. Mais avant de pouvoir la ranger dans ma bouche et la fermer, une cloche retentit. Elle sonne, sonne, résonne, résonne. Je ne sais pas ce que sais. Je suis perdue. Les visages s'assombrissent. Tous se lèvent en même temps. Je vois deux hommes en noir porter d'une main ce que j'ai cru être un énième bouquet de fleur. Mais ce noir s'éternise, ce n'est pas un pot. Une croix brillante apparaît.

Maintenant

Deux autres hommes apparaissent. Ils se baissent tous en même temps et le dépose à terre. Elle est là, dans cette boîte, blanche, froide, immobile, inconsciente. Elle n'est plus à l'intérieur de ce corps figé. Je n'arrive plus à quitter ce noir des yeux. Elle est là celle que je n'est vue rien qu'une fois. Elle n'est plus là. Un long drap noir recouvre le cercueil, mon angoisse, mon regard, mes frissons, le vide. Tout se fait oublier. Je lève les yeux, la chef d'orchestre se tord pour donner le départ.

Ré.

J'ai froid.