Faire semblant... OS

J’fais semblant…
Semblant d’aller bien. Semblant de sourire. Semblant de vivre.
Alors que les notes de piano défilent sous mes doigts et que la partition danse devant moi.
Reprends-toi !
Non…
Je suis montée trop haut dans les aigus pour redescendre trop bas dans les graves. Les blanches, les noires, tout ça ne donne rien d’autre que du néant.
J’y arrive plus…
Je n’respire plus. Je n’compose plus. Le talent s’en est allé avec la volonté de faire face. Et ça, je peux pas le faire couler dans mes veines avec une simple aiguille.
Si seulement…
Si seulement je pouvais retrouver ce souffle qui me faisait renaître après les pires batailles et les pires échecs. La flamme dans mon cœur et dans mon regard, l’une comme l’autre se sont éteintes.
Pourquoi… ?
Ma vie était meilleure que les autres. Ma tête plus grosse aussi. Tant pis. J’aimais ce que j’faisais. L’adrénaline dans les veines, à la place de l’héroïne. Des yeux fermés, tout ouverts à la musique, à la place du blanc injecté de sang.
Je meurs…
Doucement, pliée en deux sur mon piano d’où sortent des dissonances impossibles. Enfuie l’harmonie. Enfuie la grâce. Enfuie la passion. Le tabouret tombe avec un bruit de tonnerre et la scène disparaît dans un coup de vent. Velours des coulisses qui m’aspire.
Reviens et repars…
Les routes mouillées qui mènent à ma cachette de petite fille ne m’amusent plus. Je ne saute plus dans les flaques. Mes godasses ne sont plus bousillées. Mon rire qui ricoche sur l’asphalte n’est plus qu’un écho. La porte ne grince plus pour le charme, juste pour le sinistre. Le vieux bois ne sent plus la chaleur, mais le pourri.
Allonge-toi…
Le nez planté dans des étoiles éteintes. Les yeux fermés. La dose plus forte. La musique aussi. A travers mille mers, je ne reviendrais plus. Je vais me noyer. Au-delà de mille années où le temps n’existe pas, je me perdrais. Je ne me retournerais plus.
Au revoir…
Non, adieu. La vie ne m’accueille plus les bras ouverts, elle m’étouffe en son sein. Les doux bras de la réalité m’ont emprisonnée et resserrent leur étreinte, toujours un peu plus fort chaque jour. Ce n’est plus la peine de résister, se battre n’est plus qu’un verbe qui ne se conjugue plus.
Le piano se tait…
Et jamais la pianiste ne reviendra. Au son d’une voix qui chante des rêves, elle s’en va. Elle s’enfuit. Besoin d’espace, besoin de vie. Besoin de mort inexpliqué.
Les notes ne seront plus jetées. Les sourires, les frissons, les larmes… les yeux fermés, les doigts qui dansent, la musique qui vibre, plus forte que tout. En transe sous les paupières closes.
Ce n’était que faire semblant.